Jonas n°129
Zoom sur les origines et le sens de la crèche
«… il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre,
mais il veut que tous parviennent à la conversion. »
2ème Lettre de Pierre 3,9
Noël, c’est la fête du concret car c’est la fête de l’incarnation : Dieu se fait chair, il devient un homme. C’est inouï ! Mais c’est vrai !
Dans les mythologies, les dieux païens se déguisaient souvent en humains. Mais, d’une part, c’était un déguisement – ils ne devenaient pas vraiment humains, ne condescendant pas à cet abaissement – et d’autre part, une fois leur forfait réalisé (car il s’agissait toujours de leurrer les humains, surtout les humaines d’ailleurs !), ils quittaient leur apparence.
Avec l’incarnation du Fils de Dieu notre Père, rien de tel. Il devient vraiment homme pour sauver les hommes. Il vient sauver la nature humaine et doit donc pour cela l’épouser tout à fait, en toute chose excepté le péché.
Dieu ne fait pas semblant de devenir un homme (on le verra sur la croix qui est toujours en arrière-fond de la nativité). Il porte notre humanité dans tout ce qu’elle vit. Ça commence par une naissance.
Par lui, par cette solidarité, le salut est offert à tous les hommes dont la nature est sauvée. Les mages diront cette universalité du salut.
Mais il appartient à chaque humain de faire le choix de ce salut, de l’accueillir moyennant une conversion personnelle.
Cette conversion est un retournement de nos vies, une réorientation de notre vie vers Dieu, le vivant qui donne vie, vers ce petit bébé dans la paille endormi, c’est-à-dire vers un Dieu surprenant. La conversion, c’est l’adhésion libre à ce qu’il nous propose en nous laissant surprendre. Une adhésion qui n’est pas conceptuelle mais existentielle, concrète, qui passe par toute notre vie. Cela nécessite de devenir pauvre comme lui. Non pas miséreux, mais en manque, désireux… désireux de ce qui seul peut nous combler : son amour infini !
Qu’au milieu des bombances et des avalanches de consommation, nous ne perdions pas de l’œil ce petit garçon qui nous fait signe… Il nous demande de le prendre dans nos bras… qui pour cela doivent être déchargés de tout ce qui les encombre. Il nous demande aussi de prendre dans nos bras les pauvres, à qui il s’identifie. Là aussi, c’est concret. C’est le chemin de Noël : d’un joyeux, parce que vrai, Noël !
Que le Seigneur vous bénisse. Belle marche vers la Nativité du Sauveur !
Allons ensemble au devant de sa lumière !
Benoît+
COMMENT SAINT FRANCOIS MONTA UNE CRÈCHE, UN JOUR DE NOËL.
(d’après la VIE DE SAINT FRANÇOIS D’ASSISE par THOMAS DE CELANO (vita prima))
- Son idéal bien arrêté, son désir le plus ardent, sa volonté la plus ferme étaient d’observer le saint Evangile, d’en observer tous les points, et en toute circonstance, de se conformer parfaitement, avec zèle, application, élan et ferveur, à la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et d’imiter ses exemples. Il évoquait ses paroles dans une méditation assidue et entretenait par une profonde contemplation le souvenir de ses actes. Deux sujets surtout l’empoignaient tellement qu’il pouvait à peine penser à autre chose : l’humilité manifestée par l’Incarnation, et l’amour manifesté par la Passion.
C’est pourquoi je veux conserver pieusement le souvenir de ce qu’il fit à Greccio un jour de Noël, trois ans avant sa mort. Il y avait dans cette province un homme appelé Jean, de bonne renommée, de vie meilleure encore, et le bienheureux François l’aimait beaucoup parce que, malgré son haut lignage et ses importantes charges, il n’accordait aucune valeur à la noblesse du sang et désirait acquérir celle de l’âme. Une quinzaine de jours avant Noël, François le fit appeler comme il le faisait souvent. « Si tu veux bien, lui dit-il, célébrons à Greccio la prochaine fête du Seigneur ; pars dès maintenant et occupe-toi des préparatifs que je vais t’indiquer. Je veux évoquer en effet le souvenir de l’Enfant qui naquit à Bethléem et de tous les désagréments qu’il endura dès son enfance ; je veux le voir, de mes yeux de chair, tel qu’il était, couché dans une mangeoire et dormant sur le foin, entre un bœuf et un âne.» L’ami fidèle courut en toute hâte préparer au village en question ce qu’avait demandé le saint.
Le jour de joie arriva, le temps de l’allégresse commença. On convoqua les frères de plusieurs couvents des environs. Hommes et femmes, les gens du pays, l’âme en fête, préparèrent, chacun selon ses possibilités, des torches et des cierges pour rendre lumineuse cette nuit qui vit se lever l’Astre étincelant éclairant tous les siècles. En arrivant, le saint vit que tout était prêt et se réjouit fort. On avait apporté une mangeoire et du foin, on avait amené un âne et un bœuf. Là vraiment la simplicité était à l’honneur, c’était le triomphe de la pauvreté, la meilleure leçon d’humilité ; Greccio était devenu un nouveau Bethléem. La nuit se fit aussi lumineuse que le jour et aussi délicieuse pour les animaux que pour les hommes. Les foules accoururent, et le renouvellement du mystère renouvela leurs motifs de joie. Les bois retentissaient de chants, et les montagnes en répercutaient les joyeux échos. Les frères chantaient les louanges du Seigneur, et toute la nuit se passa dans la joie. Le saint passa la veillée debout devant la crèche, brisé de compassion, rempli d’une indicible joie. Enfin l’on célébra la messe sur la mangeoire comme autel, et le prêtre qui célébra ressentit une piété jamais éprouvée jusqu’alors.
- François revêtit la dalmatique, car il était diacre, et chanta l’Evangile d’une voix sonore. Sa voix vibrante et douce, claire et sonore, invitait tous les assistants aux plus hautes joies. Il prêcha ensuite au peuple et trouva des mots doux comme le miel pour parler de la naissance du pauvre Roi et de la petite ville de Bethléem. Parlant du Christ Jésus, il l’appelait avec beaucoup de tendresse « l’enfant de Bethléem », et il clamait ce « Bethléem » qui se prolongeait comme un bêlement d’agneau , il faisait passer par sa bouche toute sa voix et tout son amour. On pouvait croire, lorsqu’il disait « Jésus » ou « enfant de Bethléem » qu’il se passait la langue sur les lèvres comme pour savourer la douceur de ces mots.
Les éléments traditionnels de la crèche et leur symbole
(autour de la sainte famille qu’on ne présente pas !).
Une grotte : lieu d’abri pour les bergers de cette région et annonce du futur tombeau. Cf. les icônes orientales.
Une mangeoire : annonce que l’enfant donnera sa chair à manger lors de son dernier repas. Souvenons-nous au passage que Bethléem signifie « la maison du pain » en hébreu.
L’âne et le bœuf : ils réchauffent Jésus mais surtout il évoquent la première prophétie d’Isaïe. « Le boeuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître » (Isaïe 1,3)
Ils témoignent que la création pressent ce que les hommes ne perçoivent pas. Elle aussi sera sauvée par Jésus.
Les anges : ils annoncent la bonne Nouvelle et donnent sens à ce qui est contemplé. Ils invitent à voir avec le cœur !
Les bergers : ils sont les pauvres de l’époque. Ils ne possèdent pas les troupeaux, ils les gardent en vivant avec eux. Ils sont peu fréquentables pour cela. Mais ils attestent par leur présence que celui qu’ils viennent voir sera le berger d’Israël et d’un peuple nombreux. Entre bergers on se reconnait !
Les moutons : le troupeau représente le peuple d’Israël que Dieu veut rassembler. Le mouton c’est aussi un des animaux offerts à Dieu au temple en sacrifice. Ils annoncent ce que Jean Baptiste dira de Jésus « voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».
Le ravi : c’est l’exemple même de celui qui dans sa simplicité accueille émerveillé l’œuvre de Dieu et qui rend grâce ! A imiter bien sûr chaque fois qu’on voit la crèche !
Les mages : l’évangile ne dit pas qu’ils sont rois. Ils sont des chercheurs ! mais c’est en lien avec un texte d’Isaïe (60,1-3) que la tradition va en faire des princes. Ils témoignent de l’universalité du salut. Par les cadeaux qu’ils apportent Jésus est reconnu comme roi (or) et prêtre souverain (encens). La myrrhe qui sert à l’embaumement des corps annonce la passion.
Le puits : très important car il annonce que Jésus donne l’eau vive du salut.